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Entre avancées législatives et obstacles socio-économiques, l’accès aux services de planification familiale reste un défi majeur pour de nombreuses femmes béninoises, particulièrement en milieu rural. Alors que le gouvernement prône la gratuité des services, la réalité sur le terrain révèle une situation bien plus complexe, mettant en danger la vie de nombreuses femmes.

Selon l’OMS, environ 257 millions de femmes à travers le monde n’ont pas accès aux moyens modernes de contraception dont elles ont besoin. Au Bénin, près de 30 % des femmes mariées ont des besoins non satisfaits en matière de planification familiale, d’après l’Enquête Démographique et de Santé (EDS) 2018. Ce chiffre est encore plus alarmant chez les jeunes filles et les femmes vivant en milieu rural. Bien que des centres de santé existent dans quelques localités, les moyens de contraception modernes, tels que les implants ou les contraceptifs injectables, restent rares et coûteux.

Le droit à la planification familiale, un droit fondamental souvent inaccessible

Au Bénin, le droit à la planification familiale est reconnu comme un droit humain essentiel. Pourtant, de nombreuses femmes continuent de se heurter à des barrières socio-économiques, culturelles et géographiques qui restreignent leur accès à ces services. Malgré les efforts du gouvernement pour rendre ces services gratuits, la réalité est bien souvent différente, surtout pour les femmes vulnérables des zones rurales.

Prenons l’exemple de Mariam, une mère de six enfants vivant dans un village isolé du nord du Bénin. Cherchant à espacer ses naissances, elle décide de recourir à des méthodes de planification familiale et se rend au centre de santé de sa commune, où les services sont censés être gratuits. Cependant, on lui demande de payer 100 FCFA pour un carnet de santé, une somme symbolique mais au-delà de ses moyens. Pire encore, le centre de santé est éloigné de son domicile, et le coût du transport s’élève à 3 000 FCFA, un montant qu’elle ne peut se permettre. Incapable d’accéder aux services, Mariam retombe enceinte et décède des suites de complications lors de l’accouchement. Ce drame illustre l’ampleur du problème : la gratuité théorique des services de planification familiale est souvent contredite par des coûts cachés que les femmes ne peuvent pas supporter. Cette situation conduit à des grossesses non désirées et expose de nombreuses femmes à des risques sanitaires graves, voire mortels.

Des barrières socio-culturelles et religieuses persistantes

Au-delà des contraintes matérielles, les croyances culturelles et religieuses jouent un rôle central dans la limitation de l’accès aux services de planification familiale. Dans plusieurs communautés rurales, l’utilisation de contraceptifs est perçue comme contraire aux valeurs traditionnelles. Certaines femmes subissent des pressions de leurs conjoints ou de leur entourage pour éviter l’usage de contraceptifs, sous prétexte qu’ils nuiraient à leur santé ou réduiraient leur fécondité.

Fatimatou, 32 ans, mère de cinq enfants, raconte : « Mon mari refuse que j’utilise la contraception. Il dit que cela pourrait me rendre stérile. Mais je suis épuisée, je n’ai plus la force d’avoir d’autres enfants. » Son témoignage, comme celui de nombreuses autres femmes béninoises, révèle l’emprise des normes sociales sur les choix reproductifs des femmes. Ce droit n’est pas respecté à tel point que certaines femmes, comme Fatimatou, envisagent d’utiliser des contraceptifs en cachette et prient pour que leurs maris ne le découvrent pas, de peur des conséquences qui pourraient en résulter. Malgré le fait que ce droit soit reconnu pour chaque femme, la réalité sociale impose souvent des contraintes bien plus sévères.

Des conséquences sanitaires dramatiques

L’accès limité à la planification familiale a des conséquences dévastatrices. Le Bénin affiche l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés de la région, avec 391 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Ce chiffre alarmant est en partie attribuable aux grossesses non désirées et aux avortements non sécurisés.

Lorsque l’accès à des moyens de contraception modernes est restreint, beaucoup de femmes n’ont d’autre choix que de recourir à des avortements clandestins, souvent réalisés dans des conditions dangereuses. La loi béninoise encadre strictement l’avortement, mais cela n’empêche pas les femmes, en situation de détresse, de mettre leur vie en danger. C’est le cas d’Espérance, une jeune fille de 19 ans, qui, faute de moyens pour se rendre dans un centre de santé, a opté pour un avortement illégal. Elle y a perdu la vie.

Ces histoires révèlent une réalité tragique : l’absence d’accès à la planification familiale contribue à une spirale de décès évitables. Il s’agit d’une crise de santé publique qui pourrait être atténuée par des politiques plus inclusives et une meilleure sensibilisation.

Des efforts prometteurs, mais encore insuffisants

Face à cette situation, le gouvernement béninois a mis en place plusieurs initiatives pour améliorer l’accès aux services de planification familiale, notamment par le biais de la gratuité des services dans les centres de santé publics. Des ONG locales, comme Alafia et l’Association Béninoise pour la Promotion de la Famille (ABPF), s’engagent également à améliorer l’accès aux services de planification familiale en offrant des consultations gratuites et en sensibilisant les communautés rurales.

Cependant, malgré ces efforts, l’impact reste limité. Selon l’ONG Population Services International (PSI), seulement 23 % des femmes en âge de procréer utilisent des méthodes modernes de contraception, un taux bien en dessous des objectifs fixés par le gouvernement dans le cadre du dernier Plan National de Développement Sanitaire (PNDS), qui vise à atteindre 50 %. 

Comparaison Régionale

Comparativement à d’autres pays de la région, le Bénin affiche des taux d’utilisation de contraceptifs modernes relativement bas. Par exemple, au Ghana, environ 27 % des femmes utilisent des méthodes modernes de contraception, tandis qu’au Sénégal, ce chiffre est de 21 %. Ces comparaisons régionales permettent de contextualiser les défis et les progrès réalisés au Bénin. 

Vers une solution durable

Pour remédier à ces défis, plusieurs solutions sont envisageables. Il est essentiel de renforcer les campagnes de sensibilisation en milieu rural, en impliquant les leaders communautaires et religieux pour déconstruire les stéréotypes autour de l’utilisation des contraceptifs. L’OMS souligne que les obstacles culturels et religieux constituent encore des freins majeurs à l’accès aux services de planification familiale.

Il est important de soutenir les initiatives des organisations de la société civile, qui jouent un rôle déterminant dans l’éducation des jeunes sur la santé sexuelle et reproductive. Ces efforts doivent être amplifiés pour toucher les populations les plus marginalisées. L’accès aux services de planification familiale est bien plus qu’une question de santé publique : il s’agit d’un droit humain fondamental. Garantir ce droit, c’est permettre aux femmes de reprendre le contrôle de leur corps et de leur avenir.

L’extension des services de santé dans les zones reculées et la distribution gratuite des contraceptifs dans les communautés les plus défavorisées doivent devenir des priorités. Le coût du transport et des soins annexes, même minimes, ne doit plus être un obstacle pour les femmes désirant espacer leurs grossesses. Une amélioration des infrastructures de santé et la formation continue des personnels de santé sont également nécessaires pour garantir que les femmes reçoivent des soins de qualité et un suivi régulier.

En outre, l’utilisation de technologies mobiles pour sensibiliser et distribuer des contraceptifs pourrait également être une solution innovante. Par exemple, des applications mobiles peuvent fournir des informations sur la santé reproductive et permettre aux femmes de commander des contraceptifs en ligne, réduisant ainsi les barrières géographiques et économiques.

Rôle des Hommes

Il est également crucial d’aborder le rôle des hommes dans la planification familiale. Leur implication peut être encouragée par des campagnes de sensibilisation ciblées, mettant en avant les bénéfices de la planification familiale pour la santé et le bien-être de toute la famille. Des programmes éducatifs destinés aux hommes peuvent aider à déconstruire les stéréotypes de genre et à promouvoir une répartition plus équitable des responsabilités en matière de santé reproductive.

Le Bénin à la croisée des chemins

Bien que des progrès aient été réalisés dans la législation sur les droits sexuels et reproductifs, la route est encore longue. La lutte contre les violences basées sur le genre et la protection des droits sexuels et reproductifs nécessitent une vigilance constante et des actions concrètes. Le Bénin doit s’attaquer à la question avec une urgence renouvelée. Assurer à chaque femme et à chaque fille la possibilité de vivre en toute sécurité et de prendre librement des décisions concernant son corps est un défi que le Bénin doit relever pour garantir un avenir égalitaire et sain.

Vers une Société Plus Juste et Équitable

En dépit des défis, l’engagement des acteurs à divers niveaux offre l’espoir d’un avenir où chaque individu pourra jouir pleinement de ses droits. Le combat pour les droits humains au Bénin est loin d’être terminé, mais chaque pas en avant est une victoire pour la dignité et l’égalité.

Un Droit respecté = Une Famille heureuse

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